L’Hôpital psychiatrique du docteur Maboul

Je l’ai finalement appelé l’hôpital psychiatrique du docteur Maboul. J’ai pensé à pas mal de noms avant de m’accorder avec moi même (j’ai consulté ma binôme et ma compagne mais j’ai eu le dernier mot). Vous avez échappé à « Manicomio di R », parce que c’est son nom (trop) commun en urbex. Mais aussi plus original : « Hôpital psychiatrique du pélerin », parce qu’y aller est un véritable pèlerinage pour tout urbexeur (réaliste mais pas très vendeur). Ou encore « hôpital psychiatrique du berger » ou « des boucs », du nom de ses gardiens. Ou encore « hôpital psychiatrique de la guêpe » parce que j’ai bien failli ressortir de là-bas boursouflé comme Elephant Man en tombant sur un nid (et accessoirement qu’il faut une taille de guêpe pour entrer). Un dernier : l’hôpital psychiatrique qui se fout de la charité (ou pas), parce que c’était marrant et c’était un hospice pour les pauvres avant d’être un asile.

Finalement, l’hôpital du Docteur Maboul, ça sonne bien et puis c’est assez réaliste. En effet cet asile psychiatrique s’est illustré par le nombre de lobotomies pratiquées… Brrr, ça fait froid dans le dos rien que d’y penser. Et ça met dans l’ambiance pour la visite !

Un monstre sacré

L’hôpital psychiatrique du Docteur Maboul est un must en urbex, un des lieux les plus réputés en Europe.

Je bave devant les photos d’autres explorateurs depuis pas mal d’années. J’ai tenté une première fois de le visiter, sans succès – les voisins, boucs et autre berger s’étaient ligués contre moi. Et puis ce deuxième essai a été concluant. Quel plaisir d’être enfin à l’intérieur de ce monument !

Le lieu a tout pour plaire : un bâtiment immense avec une histoire sordide, abandonné depuis au moins 30 ans, du decay parfait (en langage non urbexien, ça veut dire de la poussière, des peintures qui craquellent, de la végétation qui rentre par les fenêtres… En somme, un état de dégradation naturelle avancée). Même s’il reste peu de mobilier, la lieu est splendide. On prend beaucoup de plaisir à déambuler dans ces longs couloirs chargés d’histoire, à se perdre et se retrouver (c’est un vrai labyrinthe !), à tomber ici et là sur les pièces les plus remarquables. En résumé, un grand moment d’exploration. Pour nous la visite a duré 5 heures.

L’asile est bien protégé. C’est surement grâce à cela qu’il a pu rester paisiblement endormi pendant ces longues années, à l’écart des visiteurs indélicats. Situé en plein centre ville, il est totalement hermétique au monde extérieur. Impossible de s’en échapper, et également très difficile pour nous d’y entrer ! Entre les grilles aux fenêtres (jusqu’au dernier étage !), les hauts murs du parc, le voisinage qui veille, le troupeau de moutons qui occupe le parc (certes pas méchants mais ayant une forte propension à bêler pour prévenir les voisins !), il n’est pas aisé de trouver un accès.

Une ville dans la ville

Le complexe psychiatrique compte plusieurs pavillons. Le seul que nous avons visité est aussi le premier a avoir été construit et le plus grand. Il est immense – en forme de 8, il s’articule sur 3 niveaux autour de 2 cours intérieures – une pour les femmes et une pour les hommes. 

Il possède une variété de pièces toutes plus impressionnantes les unes que les autres : des dortoirs immenses, des cellules plus modestes, un réfectoire, une chapelle, des bureaux, une série de laboratoires médicaux et même une salle d’opération pour des interventions sur le système nerveux.

Je ne sais pas trop par où commencer la visite. Voici tout d’abord le hall d’entrée, il annonce la couleur. Pour la suite, on verra plus tard.

Historique

Le bâtiment principal de l’hôpital a été construit à la fin du XVIIIème siècle. Ce n’est qu’un siècle plus tard, en 1871, qu’il deviendra une maison de fous (« manicomio » en italien), après avoir été un asile pour les pauvres puis un collège militaire. Il reste asile psychiatrique pendant un peu plus d’un siècle. Au fur et à mesure des années, il s’étend : de nouveaux pavillons sont construits au début du XXème siècle. Il devient une véritable ville dans la ville avec à son apogée 1500 patients et jusqu’à 500 employés.

Comme tous les asiles psychiatriques italiens (comme un autre manicomio visité, l’hôpital psychiatrique du chat perché), l’hôpital psychiatrique du Docteur Maboul décline rapidement à partir de la fin des années 70. En effet en 1978 l’Italie entame une grande réforme de son système psychiatrique avec l’application de la loi 180 (ou loi Basaglia, du nom de son principal promoteur). Cette loi prône le changement de mode de prise en charge des malades psychiatriques et la fermeture des asiles traditionnels. Dès 1978 plus aucun nouveau patient n’y entre. Les malades déjà présents sont progressivement renvoyés dans leur famille ou dans des structures alternatives. Par conséquent, dans les années qui suivent, tous les hôpitaux psychiatriques italiens ferment leurs portes un par un.

Les derniers patients quittent l’asile en 1999, mais l’abandon du pavillon principal – celui que je vous présente aujourd’hui – semble remonter à 1981.

La visite – le rez de chaussée

Commençons tout d’abord par le rez de chaussée. Ici il y a de grandes pièces, comme le hall, la chapelle ou encore le réfectoire. Et pas mal d’autres pièces vides dont on ne comprend pas forcément la fonction. Peut-être de grands dortoirs. Et puis il y a l’accès aux 2 cours intérieures. Elles devaient être agréables, si on fait abstraction de l’endroit où l’on se trouve !

Premier étage – l’étage de l’horreur

Passons maintenant au premier étage. C’est ici que l’on trouve la plupart des pièces célèbres de l’asile : la fameuse salle d’opération, mais aussi le cabinet du dentiste, plusieurs autres pièces médicales dont une salle de radio (complètement dans le noir, trop dure à prendre en photo !), les laboratoires. L’étage possède aussi des centaines de mètres de couloirs, pas mal d’autres pièces dont on sait pas trop l’usage et des bureaux. Là aussi la végétation dégouline par les fenêtres – en fait le bâtiment est recouvert de lierre jusqu’au dernier étage, pour notre plus grand plaisir.

Le dernier étage

Ce dernier étage est un peu moins intéressant que les précédents. Il y a toujours un superbe decay dans des pièces immenses, mais moins de points d’accroche intéressants. A noter surtout cette sorte de table qui peut se mettre à la verticale, que l’on peut facilement imaginer comme instrument de torture vu le lieu. Nous visitons ce dernier étage plus rapidement que les autres. Heureusement car le jour commence à décliner.

Figé dans le temps… Plus pour longtemps

Aujourd’hui l’hôpital psychiatrique du Docteur Maboul est en très mauvais état. Il s’écroule par endroits. A d’autres, des étais et des barres de fer ont été positionnés pour essayer de retenir les murs avant qu’ils ne tombent. Même s’il est vraiment magnifique, une remise en état représenterait un coût pharaonique. Sans savoir quoi faire de cette dizaine de milliers de mètres carrés. Par conséquent une procédure pour le démolir est en cours. On se retrouve alors bien là dans le rôle documentaire de l’urbex – laisser un dernier témoignage de ce monument avant sa disparition.

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