Aujourd’hui je vous emmène visiter l’hôpital psychiatrique du cireur de pompes. Encore un vieil hôpital psychiatrique italien, ou manicomio comme on les appelle chez nos voisins transalpins.

Abandonné depuis le siècle dernier, ce dédale de plusieurs dizaines de milliers de mètres carrés recèle pas mal de vestiges d’un passé pas si lointain. Et une ambiance à vous donner la chair de poule. Tous les ingrédients d’une bonne exploration y sont réunis.

Et un manicomio, un !

Vous avez peut-être déjà remarqué que j’ai développé une passion pour ces anciens hôpitaux psychiatriques italiens, au vu de la collection sur mon site. Je vous ai raconté leur histoire commune à plusieurs reprises : elle est détaillée dans ces articles. En résumé : en 1978 le gouvernement italien vote la fermeture des hôpitaux psychiatriques pour les remplacer par des modes de prises en charge plus doux pour les malades (comprenez les renvoyer dans leurs familles pour la majorité des cas). S’ensuit la fermeture progressive de tous les grands hôpitaux psychiatriques. Entamée dès 1978, cette transition s’achève à la fin des années 90.

Construit en 1876 à l’écart de la ville, l’hôpital psychiatrique du cireur de pompes est finalement une autre ville totalement isolée derrière de hauts murs. Une fois entrés, les patients y passent le reste de leur vie sans sortir. Ils disposent de tout ce dont ils ont besoin sur place – en fait pas grand chose car à l’époque on ne fait que peu de cas de leurs misérables existences. Ils travaillent tous les jours, notamment aux travaux de fonctionnement de la structure comme le lavage des vêtements et des draps, la réparation des chaussures ou l’entretien des espaces verts.

A son apogée l’asile compte plus de mille malades. Il faudra près de vingt ans pour fermer l’hôpital – le dernier patient quitte les lieux en 1998.

L’Hôpital psychiatrique du cireur de pompes

Commençons la visite. Cet hôpital psychiatrique est fait d’un seul bloc, sur un plan en H. En fait, chaque aile du H est plutôt en forme de peigne. Mais pour faire simple, restons sur le H. On se perd dans ce dédale qui met mon sens de l’orientation à rude épreuve. D’autant que certaines portes sont cadenassés. Il faut parfois faire de grands détours pour arriver là où l’on souhaite.

Les 4 ailes se retrouvent autour d’une cour centrale. Des coursives permettent de passer d’un bâtiment à l’autre et de se rendre à l’église, épicentre du lieu. Dans cette zone on tombe également sur un atelier de réparation de chaussures qui m’inspirera le nom du manicomio.

La vieille branche

Chacune des 4 ailes est très différente des autres car elles ont été abandonnées progressivement, à des époques différentes. La plus ancienne est maintenant une coquille vide. En effet elle a été désossée, il ne reste plus que les murs. Une visite rapide pour nous, il ne reste pas assez de traces du passé. Voici la seule pièce qui retient mon objectif.

La branche mure

La deuxième a avoir été abandonnée – encore très en état – est la plus intéressante pour moi. C’est là que l’ambiance est la plus marquante. Un vrai film glauque – on y trouve du mobilier, un peu de matériel médical et des amas de dossiers. Et un bon decay, une odeur d’abandon qui nous mettent dans l’ambiance. Ajoutez à cela la pluie qui tombe au dehors, accentuant l’ambiance morose et surtout l’impression de ne pas être seuls avec les bruits de goutte à goutte constants. A un moment nous croyons entendre des pas… Mais après quelques minutes à retenir notre souffle dans un coin, c’est probablement notre imagination qui nous joue des tours.

L’aire de jeux

La troisième aile est moins intéressante, c’est surement la dernière à avoir été abandonnée. Je pense même qu’elle a perduré après 1998 sous la forme d’un hôpital pour enfants. On y trouve des chambres récentes avec des jouets ici et là. Nous la parcourons rapidement. A son extrémité nous trouvons des restes de pharmacie. Ici d’autres explorateurs se sont amusés à réaliser une mise en scène. Résultat : une grosse frayeur pour nous lorsqu’au détour d’une porte on tombe nez à nez avec un authentique patient dans un lit !

La rotonde

Et non, je ne vais pas vous présenter la 4ème branche du H. Car elle est encore en activité. Ou plutôt à nouveau en activité car d’après ce que j’ai compris c’est une annexe de l’hôpital local.

Par contre, à chaque extrémité du bâtiment, on trouve une petite structure impressionnante qui évoque les pires heures de la psychiatrie. La vocation de cette zone de quelques cellules est d’accueillir les patients les plus agressifs pendant quelques jours, jusqu’à ce qu’ils se calment. La zone est atypique car de forme semi-circulaire, sans bords ni angles saillants afin de limiter au maximum les risques de blessures. Imaginez vous enfermé derrière ces portes glauques à souhait avec leurs petites ouvertures en longueur… Niveau humanité, c’est pire qu’une prison.

De la psychiatrie à l’ancienne

A chaque nouveau manicomio que je visite je me replonge dans l’histoire de la psychiatrie. J’ai trouvé pas mal de documentation sur l’hôpital psychiatrique du cireur de pompes. Et j’ai pu découvrir d’autres traitements qui rivalisent avec la rotonde niveau inhumanité.

Dans cet asile on utilisait les électrochocs, pratique très répandue au XXème siècle et qui a toujours cours aujourd’hui. Je vous en ai déjà parlé dans mon article sur l’hôpital psychiatrique de l’électrochoqueur, qui était réputé pour ce traitement. Aujourd’hui j’ai aussi découvert l’utilisation du coma diabétique : il s’agit d’injecter des doses d’insuline pour provoquer un coma par manque de sucre. Pour réveiller le patient, il suffit ensuite de lui injecter du glucose. Facile… Tant que l’on ne se pose pas trop de questions sur l’humanité du patient !

Plus choquante encore, la pratique de la pyrétothérapie, basée sur la croyance que la fièvre agit sur le système nerveux (et peut potentiellement améliorer quelque chose…). C’est simple : injectez du lait dans les fesses des patients, cela provoquera des abcès et par là même de fortes fièvres. Et peut-être un miracle ?

Pour toutes ces techniques barbares, on ne parle pas du moyen-âge mais des années 70. Soit il n’y a même pas cinquante ans !

Le prochain manicomio

Voilà pour ce petit cours d’histoire psychiatrique. Encore une visite passionnante. En terme d’urbex , j’ai adoré l’exploration de l’hôpital psychiatrique du cireur de pompes. Vivement le prochain manicomio !

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